Le scoutisme : une méthode d’éducation des adolescents et des adolescentes

Le scoutisme est un mouvement de jeunesse visant l’éducation du caractère et la formation du futur citoyen par l’utilisation des méthodes d’éducation active. Fondé en Angleterre en 1907, le scoutisme se développe rapidement dans le monde entier. Dans la plupart des pays européens, son introduction entraîne la naissance de plusieurs associations fondées sur une base confessionnelle ou sur le principe de la neutralité religieuse. On trouve ainsi des associations protestantes, catholiques, juives, laïques et, de façon plus récente, musulmanes. Alors qu’il est, à l’origine, exclusivement destiné aux jeunes garçons, le scoutisme s’ouvre rapidement aux jeunes filles, suscitant la création d’associations féminines distinctes. Dans la deuxième moitié du xxe siècle, le développement de la coéducation conduit la plupart des organisations masculines et féminines à fusionner et à ajouter l’égalité des sexes à leurs objectifs pédagogiques.

Boy scouts nettoyant des pommes de terre pour le repas du soir dans un camp près de Cambridge, 1943. Photo : Wildman Shaw.
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Inventé par le lieutenant général Robert Baden-Powell (1857-1941), le scoutisme est né en Angleterre en 1907. Il adapte aux jeunes garçons de la métropole les techniques que l’officier avait déjà présentées dans un manuel (Aid to Scouting, 1899) visant à réformer l’instruction des recrues de l’armée coloniale britannique. De retour en Angleterre, Baden-Powell s’attache à promouvoir sa méthode auprès des œuvres de jeunesse existantes. Présenté comme un moyen de régénérer les forces vives de la nation et, de manière moins explicite, de pallier l’absence de service militaire, le scoutisme bénéficie de soutiens officiels. Il essaime alors dans tout le pays et se constitue bientôt en organisation autonome. Parallèlement, il rencontre un succès analogue au-delà des frontières du Royaume-Uni.

Pédagogies nouvelles et hygiénisme aux sources du scoutisme

Sur le plan pédagogique, le scoutisme puise à plusieurs sources. La plus évidente est celle des pédagogies nouvelles dont il reprend à la fois le principe d’éducation par l’action et l’organisation des unités en petites équipes permettant l’autonomie des jeunes et leur prise de responsabilités. Il s’inscrit également dans la filiation du « christianisme musclé » (muscular christianity). Cet avatar de la culture victorienne, qui conçoit le sport comme un moyen d’accroître conjointement la force physique, la rectitude morale et la profondeur spirituelle des jeunes hommes afin de susciter l’essor d’un christianisme viril et conquérant, a inspiré la réforme des public schools anglaises avant d’être diffusé par la Young Men's Christian Association  (YMCA, fondée en 1844) dans l’ensemble du monde anglo-saxon. Baden-Powell imprime cependant à ce modèle une orientation plus civique et patriotique que religieuse, qui lui permet d’essaimer au-delà des pays de culture protestante. Enfin, le scoutisme porte également la marque des théories hygiénistes du début du xxe siècle. Les activités de plein air, visant à éloigner les adolescents de l’atmosphère malsaine des villes, l’injonction à la propreté corporelle, à la continence sexuelle et à l’abstinence de tabac et d’alcool témoignent de l’ambition de promouvoir un idéal de vie saine, source de force et de santé.

Toutefois, la véritable originalité du scoutisme réside moins dans ce programme d’éducation physique, civique et morale, que dans la manière dont Baden-Powell entend le mettre en œuvre. À une organisation en partie empruntée au modèle militaire, il associe un imaginaire tiré de la conquête coloniale et des romans d’aventure. Afin de séduire l’âme romanesque des adolescents, il les invite à se vêtir d’une tenue qui rappelle celle des Boers ou des cow-boys, à retrouver, dans leurs jeux, la vie aventureuse des pionniers ou des coureurs de brousse et à marquer leur adhésion en adoptant un ensemble de rites, de signes et de symboles, conférant ainsi au scoutisme une identité forte qui explique en grande part son dynamisme.

Un scoutisme au féminin ?

Conçu comme une méthode destinée à l’éducation des garçons, le scoutisme suscite rapidement l’intérêt des jeunes filles. Dès 1910, des unités féminines constituées spontanément se regroupent au sein de la Girl Guides Association, dont Baden-Powell confie la direction à sa sœur Agnès. Le guidisme connaît alors un développement mondial analogue à celui du mouvement masculin. Reprenant les bases de la pédagogie scoute, il lui ajoute des éléments plus conformes aux modèles de féminité dominants à l’époque, en intégrant notamment un programme d’éducation domestique. Toutefois, ce gage donné par le scoutisme féminin pour surmonter la défiance qu’il suscite n’empêche pas qu’il soit surtout vécu par les adolescentes comme un moyen d’accéder à la pratique des activités de plein air ainsi qu’à une certaine autonomie. En outre, l’encadrement des associations de guides et d’éclaireuses a pu être l’occasion, pour des jeunes femmes, de faire l’expérience de l’engagement et des responsabilités. Il est souvent analysé comme l’un des facteurs ayant permis l’éclosion d’une génération de militantes féministes, syndicales ou politiques dans la deuxième moitié du xxe siècle.

Au lendemain de la Grande Guerre, la méthode scoute est étendue à de nouvelles tranches d’âge : les Wolf Cubs (louveteaux) à destination des enfants et les Rover Scouts (routiers) pour les jeunes adultes. Parallèlement, le scoutisme se structure à l’échelle mondiale. En 1920, la première conférence internationale du scoutisme, tenue à Londres, donne naissance au Bureau international du scoutisme, qui deviendra l’Organisation mondiale du mouvement scout (OMMS) en 1961. En 1928, l’Association mondiale des guides et éclaireuses (AMGE) est également créée. Marqué par le traumatisme de la guerre, Baden-Powell s’attache alors à faire du scoutisme mondial un instrument de promotion de la paix. De grands rassemblements internationaux, les jamborees, sont organisés tous les quatre ans, dans le but explicite de faire naître une véritable fraternité entre les peuples.

L’essor des loisirs de plein air et l’engagement croissant des États et des Églises en faveur de l’encadrement périscolaire favorisent le développement du scoutisme dans l’entre-deux-guerres. Son dynamisme et sa force mobilisatrice suscitent des reprises ou des imitations de la part des autres organisations de jeunesse, notamment politiques. Pionniers communistes ou Faucons rouges socialistes, par exemple, empruntent au scoutisme son uniforme, ses activités et des aspects de sa pédagogie. Dans les régimes fascistes, où les associations scoutes sont dissoutes, les organisations étatiques de jeunesse s’inspirent également en partie du scoutisme, tout en s’assignant des objectifs éducatifs et politiques propres.

Interdit dans les démocraties populaires, le scoutisme poursuit son essor dans le bloc occidental au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, le développement de la société de consommation et les mutations profondes de la culture juvénile conduisent les associations scoutes à s’interroger sur la pertinence et l’actualité de leurs méthodes. À partir du milieu des années 1960, celles-ci engagent des réformes visant à un aggiornamento du scoutisme, aussi bien dans ses formes que dans ses pratiques pédagogiques. Loin de rencontrer une adhésion unanime, ces évolutions suscitent l’opposition de cadres qui y voient une dénaturation du projet de Baden-Powell. Les conflits qui en résultent se soldent parfois par des ruptures, comme dans le cas de l’association des Scouts de France qui se trouve bientôt confrontée à la concurrence de deux autres mouvements catholiques, les Scouts d’Europe (1964) et les Scouts unitaires de France (1971).

Parmi ces réformes, la coéducation connaît un développement concomitant à celui de la mixité scolaire. Expérimentée dès les années 1950 par des associations masculines, elle conduit, à partir du milieu des années 1960, à la multiplication des unités mixtes et à des rapprochements entre mouvements masculins et féminins de même obédience, selon des modalités et des chronologies diverses (en Italie : fusion des principales associations catholiques et laïques en 1974 et 1976 ; en France : regroupement des mouvements laïcs (1964), juifs (1964) et protestants (1970) et fusion en 2004 des Scouts et des Guides de France (catholiques) ; au Royaume-Uni, les deux associations restent distinctes, mais depuis 1976 le mouvement masculin s’ouvre aux filles et à la coéducation).

Malgré ces évolutions et ses efforts pour renouveler ses formes d’éducation à la citoyenneté, le scoutisme garde une image quelque peu surannée en Europe occidentale, où il est concurrencé par de nouvelles formes de loisirs juvéniles, mais demeure le mouvement de jeunesse le plus important en Europe et au monde.

Citer cet article

Arnaud Baubérot , « Le scoutisme : une méthode d’éducation des adolescents et des adolescentes », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 22/06/20 , consulté le 19/04/2024. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/12483

Bibliographie

Cheroutre, Marie-Thérèse, Le scoutisme au féminin. Les Guides de France, 1923-1998, Paris, Cerf, 2002.

Cholvy, Gérard (dir.), Le scoutisme : un mouvement d’éducation au xxe siècle. Dimensions internationales, Montpellier, Université Paul Valéry, 2002.

Jeal, Tim, Baden-Powell, Londres, Hutchinson, 1989.

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